Le cri du cinéphile le soir au dessus du Web...

vendredi, juillet 01, 2005

Cimino : Retour en grâce !


La dernière livraison de la revue Positif le confirme, avec son dossier consacré au réalisateur de Voyage au bout de l'enfer, La porte du paradis, L'année du dragon, Michael Cimino semble définitivement réhabilité ! Terminé, donc, les accusations de facho-racisto-patriotisme que la critique française de gauche lui asséna dans les années 70-80... Bon, peut-être que la nouvelle génération des critiques est moins aveuglée par l'idéologie. Mais c'est peut-être encore plus tordu: les films de Cimino eux n'ont pas changé et ils n'étaient pas plus nationalistes ou réactionnaires à l'époque qu'ils le sont aujourd'hui. Mais c'est comme si l'air du temps, où l'on danse joyeusement sur la débacle de l'Amérique Bushienne en Irak, avait fait voir soudain un film comme Voyage au bout de l'enfer à travers le prisme "Michaelmoorien" tellement à la mode de nos jours. Oui, il est vrai que Voyage au bout de l'enfer est un film sur une Amérique qui doute, qui vacille sur ses certitudes. Mais attention, comme c'est encore le cas aujourd'hui: la cause principale de ce dégoût, ou du moins de cette méfiance vis-à-vis de la guerre, c'est d'abord et avant tout le refus de voir de jeunes Américains se faire trouer la peau pour rien, et certainement pas une compassion inconditionnelle pour les "populations laborieuses et révolutionnaires" victimes lointaines de l'emballement militaire des faucons du Pentagone...Voyage au bout de l'enfer a été accusé de ne pas prendre en compte les revendications et la souffrance du peuple vietnamien et des combattants vietcong, de ne présenter la guerre qu'à travers les yeux des soldats américains... En gros de ne chercher à nous faire pleurer que pour les "boys". Les "ennemis" étant tous présentés, eux, comme d'affreux tortionnaires. Cimino a, dit-on, et il l'aurait même carrément avoué, complétement inventé le coup de la "roulette russe"... pour sur-souligner le sadisme de l'adversaire ? Bon, il ne faut pas se raconter des histoires, quand même: à la guerre, on ne s'envoie pas des fleurs et quand on a un ennemi sous la main, certains soldats s'amusent un peu avec lui. C'est moche, mais ça a toujours existé et les vietcong ne devaient pas être plus tendres avec leurs prisonniers que n'importe quels soldats. Si l'on avait montré la même scène "inversée", ces mêmes critiques auraient loué le courage d'un cinéaste américain dénonçant la cruauté de l'armée de son propre pays...
Dans Positif, le critique revient sur la fameuse scène finale du "God bless America" entonné par les personnages, que j'ai toujours vu à la fois comme un chant désespéré destiné à ressouder la communauté meurtrie, mais aussi pour se redonner un peu de courage, comme dans de nombreux westerns. A l'époque, on a stigmatisé le "patriotisme" de cette scène, de manière imbécile, aveuglée par l'anti-américanisme primaire. Aujourd'hui, on veut enfin y voir quelque chose de plus terne, de plus triste, d'anti-triomphaliste. Et bien! Il leur a fallu presque 30 ans pour s'en rendre compte!
Comme quoi, il ne faut jamais désespérer !